Foyer
フアイェ2019 - en cours.
Projet de recherche-création doctoral.
︎ Abstract de création-recherche
Suite à un séjour (échange universitaire) dans la ville de Kyoto (2016-2017), nous nous intéressons à la problématique de la transition post-industrielle au Japon notamment à la délocalisation/délaissement de certains territoires (ruraux, périphériques), au vieillissement de la population et aux risques liés aux catastrophes naturelles et/ou humaines. A contrario, une partie de la population aspire à un changement de mode de vie, et à une réévaluation des valeurs modernes. Ce mouvement, qui partage des traits communs avec celui de la décroissance, se matérialise dans des tentatives de revitalisation.
Dès lors, nous souhaitons intégrer comme terrain d’étude la ville d’Onomichi afin d’expérimenter et de documenter empiriquement le mouvement de revitalisation qui y est particulièrement actif. Concrètement, nous souhaitons rénover une akiya (maison vacante) pour en faire un lieu de création et de vie, qui abriterait nos expérimentations artistiques et relationnelles, en regard de nos recherches théoriques respectives : pratiques artistiques de revitalisation (Thomas) et mésologie (Fanny). L’objectif est de poursuivre notre pratique d’événements performatifs (par exemple Dés-oeuvres de jeunesse) dans un environnement propice à la création collective et collaborative.
Cette dynamique de revitalisation d’Onomichi mobilise notre volonté d’engagement artistique comme écho de ces conditions sociales, économiques et écologiques, et ce au niveau de nos doctorats respectifs ainsi que dans notre projet de recherche-création, intitulé Foyer.
Deux registres de gestes (artistiques) y seront déployés. D’une part, des interventions architecturales tendant vers une informalisation des espaces vécus, soit une neutralisation de la valeur d’usage au profit d’une expression alternative. Ces propositions mettent en jeu la notion de désœuvrement, notamment par un processus collectif d’altération. D’autre part, l’élaboration simili-factuelle de récits audio-texto-visuels venant relater, sans s’y réduire, le processus de rénovation de l’akiya. Pour ce faire, nous emploierons deux formats : un scénario, récit prédicitif anticipant - sur un mode utopique - les situations qui pourraient advenir et un film, symptomatique de l’écart entre le scénario et l’advenir réel. Nous élaborerons un dispositif de captation prototypique manifeste d’un intérêt prononcé pour des formes de laisser-faire, de dé-subjectivisation, notamment en développant une pratique d’images du milieu (mésogramme).
︎ Abstract de recherche-création (Thomas Vauthier)
Les pratiques artistiques japonaises de revitalisation depuis les années 1990 : médier et remédier aux catastrophes. Pour une poïétique du dés-œuvrement.
Au cours des trois dernières décennies, une forme particulière d’art a émergé au Japon, brouillant les frontières entre la pratique artistique et l’activisme. Nommé “projet artistique” (アート・プロジェクト ato purojekuto, art project) ou art socialement engagé (Socially Engaged Art - SEA), celui-ci est le fruit d’un travail mutuel entre artistes et non-artistes oeuvrant collaborativement dans une optique commune, à travers des modes de participation et de vie collective spécifiques.
Le contexte d’apparition de ces pratiques est particulièrement central dans notre recherche, à savoir la crise économique que connut le Japon à partir des années 1990, qui marqua le passage du pays dans l’ère post-croissance contemporaine (« post-growth age »). Les ato purojekuto semblent essentiels à étudier aujourd’hui de par leur prise directe avec les problématiques que la post-croissance implique (dépopulation, déclassement social, actualisation des modes de vie), ainsi que par l’optique de revitalisation qui les caractérise. Notre recherche s’attachera également à mesurer l’influence qu’ont eu les deux dernières catastrophes que subit le Japon (le séisme de 1995 à Kobe et la triple catastrophe de 2011 dans le Tohoku) sur les pratiques artistiques, entraînant leur ré-évaluation et, en conséquence, l’intensification des ato purojekuto.
L'hypothèse qui sous-tend cette recherche est celle d'un tournant des pratiques artistiques japonaises entre 1990 et 2011, d’une inflexion profonde - enchâssée avec le contexte catastrophique - de l’ontologie de ces pratiques artistiques. Cette étude s’attachera ainsi, à l’analyse de ces nouvelles caractéristiques, à travers une poïétique du concept de dés-œuvrement, soit d’un déplacement du statut de l’objet d’art en tant qu’une neutralisation (temporaire ou définitive) de sa qualité d’œuvre afin d’utiliser la pratique artistique comme potentialité de résilience.
Ainsi, une partie de la recherche s’attachera à délimiter la spécificité de l’apport des ato purojekuto à la conception esthétique de l’art contemporain, venant modifier sa structure même: le concept d’œuvre, la manière de le concevoir, d’y participer et son rôle social. Soit une forme de dés-œuvrement socialement engagé.
︎ Abstract de recherche-création (Fanny Terno)
Mésologie de l’image, images mésologiques.
La mésologie (fûdogaku 風土学) est une perspective générale, une attitude réflexive, cognitive et sensible cherchant à construire une alternative au paradigme occidental moderne et classique. Celui-ci se caractérise par un dualisme cartésien à travers une série d'oppositions qualifiant notre rapport au monde et à nous-mêmes (objet et sujet, nature et culture, homme et animaux, etc.). Il en résulte une abstraction de l'être humain par rapport à la terre (acosmos) qui est destructrice pour les espèces, les paysages, les cultures. La mésologie s'appuie notamment sur les contributions du biologiste Jakob Von Uexküll et du philosophe Watsuji Tetsuro et se poursuit aujourd'hui avec la pensée d'Augustin Berque.
Notre postulat initial réside dans l'hybridation de la mésologie avec le domaine de l'image contemporaine - sa pratique, de sa genèse à son exposition, en passant par son transit. En effet, il nous semble qu'à travers cette combinaison transculturelle et transdisciplinaire, il est possible à la fois de représenter les relations complexes que nous entretenons aujourd'hui avec les images, mais aussi d'établir leurs potentiels pour nous mettre en mouvement en réponse aux crises mondiales.
La symbiose des champs de l’image et de celui de la mésologie permettra des échanges et élaborations d’outils, de méthodologies d’analyses et de créations : nous envisageons de donner corps et action à la mésologie par le biais de l’image (images mésologiques) et de même, de penser éco-logiquement de manière contemporaine l’image (mésologie de l’image).
Quelques axes de recherche-création :
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Images du milieu : variabilité, mutation, déplacements saisis par un mésogramme, résultat-process d’un système prototypique de captation audio-visuelle.
- Médiance et milieu de l’image : dépasser les dualismes et les qualités?
- Uniformisations des images (instarepeat) et des paysages (fast-fudoïsation).
- Théorie du scrutateur et dé-paysement du regard.
- Aménager, disposer, per-former le milieu (le foyer comme «scène du monde»).
- Construire une cimaise comme on construit une cabane, construire une cabane comme on construit une cimaise.
- Recouvrir la trajectivité dans l’habiter : co-croître avec les autres espèces et bricolage comme esthétique de l’habiter (habiter-purifier 澄む / 済む).